13 mai 2007

[Kino] - L'exorcisme d'Emily Rose

Introduction
À l’issue d’une cérémonie d’exorcisme dirigée par le Père Moore, la jeune Emily Rose meurt dans des circonstances aussi étranges qu’abominables. Le film raconte le procès de l’homme de foi, procès qui se révélera au moins aussi éprouvant pour l’avocate de la défense.

Appendix
Le film repose sur des évènements qui se sont réellement déroulés en Allemagne : tout débute en 1968 quand la jeune Anneliese Michel est retrouvée par ses parents sur le sol de sa chambre, paralysée et prise de convulsions. Elle est immédiatement emmenée chez un neurologue de la région, qui diagnostique un type de crises d'épilepsie dite "Grand Mal", crises souvent accompagnées de phases aiguës de dépression. Après un long séjour à l'hôpital, elle commence à voir des grimaces démoniaques apparaître sur le visage des autres fidèles durant ses prières quotidiennes à l’église. Durant l'automne 1970, Anneliese commence à croire qu'elle possédée. Elle ne trouve pas d'autres raisons aux grimaces qu'elle voit. Ensuite, elle affirme qu’une voix semble la suivre, lui disant qu'elle "brûlera en Enfer". Pendant l'été 1973, ses parents cherchent différents pasteurs pour l'exorciser. Tous refusent et recommandent aux parents de continuer le traitement prescrit par les médecins. Toutefois, en septembre 1975, après bien des semaines voire des mois d’enquêtes et conciles internes, l'évêque de Würzburg, Josef Stangl, confie au Père Arnold Renz et au Pasteur Ernst Alt le soin de pratiquer le "Grand Exorcisme" (Rituale Romanum) sur Anneliese Michel. Anneliese Michel meurt le 1er Juin 1976 après un exorcisme de 9 mois ! Quelques temps avant cette mort tragique, l'Exorciste de William Friedkin sort sur les écrans allemands (1974) et amorce une hystérie dans tout le pays : les cas déclarés de possession démoniaque se multiplient, de manière obsessive, abusive et malsaine ! Il faudra attendre l'affaire Klingenberg pour mettre fin à cette vague d’hystérie collective. Les parents d'Anneliese ainsi que les deux exorcistes furent finalement condamnés pour homicide par négligence.
Source : Anneliese Michel und ihre Dämonen, Dr. F. Goodman (existe désormais en version française)

Commentaire
Dans le contexte du retour aux tentations créationnistes aux Etats-Unis, un tel film ne peut pas, ne doit pas laisser indifférent, dans la mesure où il traite à sa manière la cohabitation souvent difficile entre le religieux, le sacré, la justice et la morale (hé oui, chaque concept renferme des idées très différentes les uns par rapport aux autres). Le parti pris de défendre la thèse de la réalité de la possession est discutable, mais il est vrai que sans cela il n’y aurait pas eu de film. Toutefois, le procès ne saurait être réduit à celui de l’Etat contre l’Eglise (le procureur est un fervent pratiquant) et va bien plus loin en proposant une introspection de l’avocate de la défense, elle-même possédée par ses propres démons (carriérisme, alcoolisme, solitude). Alors, oui, certaines ficelles scénaristiques sont tellement grosses qu’on pourrait les appeler des cordes ; oui, ça n’a rien à voir avec l’Exorciste (encore heureux : là où Friedkin avait usé et abusé des effets grandiloquents, on renoue là avec un style épuré qui colle à l’histoire tragique de la jeune fille) ; oui, le verdict final est on ne peut plus abracadabrantesque. Cependant, le film réussit là où résidait sa principale ambition : nous faire réfléchir sur la place que prend la foi dans notre vie et aux répercussions de ce choix (car la foi est avant tout question de libre-arbitre) sur nos existences (sans oublier son esthétisme épuré ainsi que les interprétations convaincantes des différents comédiens). Et c’est là que l’on voit le vide étourdissant qui règne chez la plupart des gens en France dans la connaissance des religions sous couvert de pseudo-laïcité. Pour avoir baigné dans des cultures différentes au gré de mon existence, je peux clamer que la vraie laïcité, ce n’est pas de dénigrer toutes les religions mais au contraire de toutes les respecter, et cela passe par les connaître. Et ce film propose de lever un coin du voile afin de formuler nous-mêmes notre propre verdict. Devinez quel aurait été le mien ! ;)
Petite digression culturelle : c’est dingue comme Emily Rose a eu le chic pour inviter dans son corps la « crème » des démons ! En effet, rien que des stars du Pandémonium parmi les 6 démons qui la possèdent :
- le démon qui a possédé Caïn, l’auteur du premier crime (un fratricide, de surcroît)
- le démon qui a possédé Judas, le traître envers le Fils de Dieu
- le démon qui a possédé Néron, l’empereur fou qui a incendié Rome
- Bélial, le plus laid des démons et ambassadeur de la ville de Rome en enfer
- Légion, le démon multiple victime du premier exorcisme, réalisé par…Jésus !
- Lucifer, lui-même, l’ange déchu, traître envers Dieu.
Belle brochette, tout de même ! ^^

Addendum
Laura Linney (Love actually, Mystic River, the Truman Show) joue la sublime et torturée avocate de la défense Erin Bruner.
Tom Wilkinson (Full Monty, Shakespeare in Love, Eternal Sunshine on the spotless Mind, Batman begins) joue le rôle du Père Moore.
Campbell Scott (surtout vu dans des séries TV comme Urgences ou A la Maison Blanche) joue le procureur Ethan Thomas.
Jennifer Carpenter, pour son premier vrai rôle au cinéma, interprète de manière convaincante Emily Rose.

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